Halloween (où sont passés les enfants?)
Introduction
J’ai récemment pris connaissance de l’initiative du service de garde de l’école Saint-Jean-Baptiste publicisée par le Bourdon du Faubourg de créer une carte des maisons du quartier Saint-Jean-Baptiste offrant des bonbons à l’Halloween.
Je crois qu’il s’agit d’une excellente idée, car il important que les quartiers centraux comme Saint-Jean-Baptiste deviennent plus accueillants pour les enfants s’ils souhaitent ralentir l’exode des familles vers la banlieue.
Bien qu’il s’agisse d’un petit geste, permettre aux enfants de faire une tournée d’Halloween sécuritaire dans leur quartier permet de mieux adapter l’espace public à leur réalité. Comme le mentionne l’urbaniste Brent Toderian, un tel aménagement représente un des trois piliers de la stratégie pour rendre la ville plus accessible aux familles, les deux autres points étant la présence de logements plus grands et la présence de services comme les garderies et les parcs. Évidemment, il s’agit d’une approche difficile à mettre en application.
Mon expérience personnelle m’indique qu’il y a effectivement peu d’enfants passant dans les rues de Saint-Jean-Baptiste pour l’Halloween. Je sais également qu’il y en a un peu plus dans certains secteurs du quartier avoisinant de Montcalm. Cette réflexion m’a amenée à faire une analyse rapide de la distribution de la population des enfants à Québec, particulièrement dans l’arrondissement de la Cité.
Dans ce billet, je tente de répondre aux question suivantes:
- Où les enfants se retrouvent-ils majoritairement à Québec?
- Y a-t-il des enfants en ville?
- (Bonus) Y a-t-il plus d’enfants dans Montcalm ou dans Saint-Jean-Baptiste?
Note: Les termes techniques sont détaillées dans la note méthodologique en bas du billet
Survol de la distribution spatiale des enfants à Québec
La carte suivante semble suggérer qu’il y a une forte proportion d’enfants dans les banlieues périphériques du nord de la ville comme Saint-Émile (en bleu au milieu), Val-Bélair (en rose à gauche) et Lac-Saint-Charles (en moutarde en haut). À l’inverse, les quartiers de l’arrondissement la Cité (délimité en rouge) présentent une proportion plutôt faible.
En se concentrant sur l’arrondissement de La Cité, on note une proportion d’enfants assez faible de manière généralisée. Qualitativement, il semble y avoir un peu plus d’enfants dans Saint-Sacrement et dans quelques secteurs de la basse-ville près du parc Victoria, mais il ne semble pas y avoir de patron explicite.
On remarque une forte variabilité spatiale à l’échelle de la ville, particulièrement dans les zones périphériques très grandes et faiblement peuplées. Comme la carte suivante l’indique, une telle variance spatiale est normale, car la population est concentrée dans quelques poches de quartiers résidentiels entourés de champs, forêts ou quartiers industriels. Il est donc normal que certaines îlots aient une très grande proportion d’enfants alors que d’autres zones voisines peu peuplées en aient très peu.
Le graphique suivant confirme notre intuition: la plupart des quartiers centraux ont une faible proportion d’enfants. Saint-Jean-Baptiste est le quartier qui en comporte le moins (le Vieux-Québec et ses touristes pouvant être retiré d’emblée de notre analyse). Le reste des quartiers de l’arrondissement La Cité suivent non loin derrière.
Le graphique précédent nous donne une vue globale de la population d’enfants. Si on souhaite avoir une perspective plus détaillée, on peut comparer chaque quartier selon tous les îlots de diffusion le composant. On observe encore une fois une variabilité intra-quartier assez grande dans certains cas, notamment pour Vanier et Pointe-de-Ste-Foy qui possèdent des secteurs avec beaucoup et aucun enfants. À l’inverse, la plupart des quartiers de l’arrondissement de la Cité ont des îlots ayant une proportion d’enfants relativement stable (Saint-Roch détone légèrement).
Mon expérience personnelle
Ayant habité à trois endroits dans Saint-Jean-Baptiste et dans Montcalm, j’ai voulu vérifier s’il y avait effectivement plus d’enfants dans un secteur que dans l’autre. Pour chacun de ces lieux, j’ai donc déterminé le nombre total d’enfants se situant à une certaine distance (à vol d’oiseau) de ces domiciles.
Le graphique suggère qu’il y a effectivement plus d’enfants dans le secteur de Montcalm qui me concerne que dans Saint-Jean-Baptiste, car pour un rayon fixe autour des trois résidences, il y a toujours plus d’enfants. À partir de la résidence dans Montcalm, il faut voyager au plus 3 kilomètres pour atteindre les plus de 5000 enfants de la Cité (environ 8% de la population totale de l’arrondissement). La courbe sature probablement plus rapidement, car le quartier est plus central que Saint-Jean-Baptiste par rapport à l’ensemble de La Cité.
Il est également intéressant de visualiser la plus petite zone nécessaire pour atteindre un certain bassin d’enfants à partir de ces trois points. Le plus le nombre d’enfants augmente, le plus la taille de ces zones doit augmenter en conséquence. 1 Pour un quartier avec une faible proportion d’enfants, on s’attend à ce que la taille de la zone croisse plus rapidement que pour un secteur familial.
Surprenamment, bien qu’il semble y avoir plus d’enfants dans Montcalm, la taille des 3 zones ne semble pas qualitativement très différente. Cet effet est probablement attribuable au fait que les îlots de diffusion sont moins densément peuplés et plus grands dans Montcalm que dans Saint-Jean-Baptiste, tel qu’illustré par les 2 graphiques suivants. On constate que Saint-Jean-Baptiste est le plus dense des quartiers centraux (et donc de toute la ville). Malheureusement, l’homogénéité de cette densité est partiellement attribuable au fait qu’il existe peu de parcs dans le quartier.
Conclusion
Bien que l’analyse précédente soit sommaire, elle illustre certains points intéressants. Comme on pouvait s’y attendre, il y a peu d’enfants en ville. En tenant compte des coûts de logement et autres contraintes d’espace, il est normal que ce soit le cas. Par contre, il est utile de penser l’espace public en fonction des enfants et des familles si l’on souhaite créer des quartiers agréables avec une plus grande mixité.
Par ailleurs, bien qu’il y ait une proportion un peu plus élevée d’enfants dans Montcalm que dans Saint-Jean-Baptiste, cette métrique à elle seule ne peut expliquer la différence du nombre d’enfants passant l’Halloween. En effet, la haute densité de population de Saint-Jean-Baptiste fait en sorte qu’il y a quand même un nombre non-négligeable d’enfants dans le quartier.
Il est fort à parier que les rues étroites et moins sécuritaires du Faubourg dissuadent les jeunes familles. Il est également possible que les enfants préfèrent sonner à la porte de maisons unifamiliales, plutôt que d’essayer plusieurs appartements dans un bloc en particulier.
Bien que plusieurs questions demeurent entières, une certitude demeure: la carte du maraudeur est une excellente initiative qui devrait s’inscrire dans une statégie plus large pour faciliter la vie des enfants et des familles en ville.
Joyeuse Halloween!
Détails méthodologiques
L’analyse a été réalisée en considérant les données du recensement canadien le plus récent, soit celui de 2016.
Les analyses géographiques, notamment la création de cartes ainsi que le calcul de distance, a été effectué en considérant les îlots de diffusion (ID), l’unité géographique la plus détaillée offerte par statistiques canada. Ces îlots représentant habituellement un pâté de maisons délimité par les rues. Pour des raisons de confidentialité, seules la population, le nombre de ménages ainsi que le nombre de logements sont disponibles par îlots.
Cependant, les données sur la pyramide d’âge est uniquement disponible au niveau de l’aire de diffusion (AD), qui est représente un niveau d’aggrégation additionel par rapport aux îlots de diffusion. Chaque aire de diffusion est censée contenir entre 400 et 700 individus. Cependant, le nombre d’individus est assez variable d’un AD à l’autre. Par exemple, les AD situées dans des zones industrielles peuvent avoir une population nulle alors que pour d’autre ce nombre dépasse le millier.
Pour créer les distributions spatiales et ramener les données d’âge au niveau de l’ID, l’hypothèse simplificatrice que la densité de population est constante sur l’ensemble de l’aire de diffusion a été utilisée. À titre d,exemple, si l’AD numéro 1 est divisé en 3 ID de population 10,10 et 20 et que l’on sait qu’il y a 12 individus de 15 ans et moins dans cet AD, alors on assigne une population de 3, 3 et 6 individus de 15 ans et moins à chaque ID en proportion de sa population par rapport à l’AD global.
Pour calculer les zones minimales contenant un certain nombres d’enfants autour des 3 points, j’ai trié les îlots de diffusion selon la distance à un point. J’ai ensuite calculé la distribution cumulative du nombre d’enfants. Pour le calcul de la distances entre un point et un polygône, le centroide de chaque polygône est considéré.
Je considère un enfant comme un individu âgé de 0 à 15 ans.
Les données ont été téléchargées à l’aide du paquetage (gratuit) cancensus en R. Il s’agit uniquement d’une interface facilitant l’obtention des données. Toutes les données peuvent être obtenues directement sur le site de Statistiques Canada. Les délimitations des quartier proviennent des données ouvertes de la ville de Québec.
Il est possible que les chiffres présentés soient légèrement bruités, mais l’ensemble de l’analyse demeure assurément pertinente. En effet, il existe plusieurs îlots de diffusion avec des populations nulles ou des données d’âge manquantes. Pour des raison de confidentialité, les données aux niveau de l’ID sont également manipulées par Statistiques Canada. Ceci explique pourquoi le décompte de la population ne balance pas tout à fait en faisant une somme sur les îlots de diffusion ou sur les aires de diffusion. Il est donc probable qu’il y ait un peu plus que 5168 enfants dans l’arrondissement de la Cité par exemple.
L’assignation de quartiers à des îlots de diffusion est faite en déterminant dans quel quartier le centroide de l’ID tombe. Cette approche à l’avantage d’éviter le double comptage de la population, car un ID peut uniquement être assigné à un seul quartier. Par contre, pour certains ID périphériphes à cheval entre 2 quartiers ou plus, cette technique créé une distorsion dans le population assignée à un quartier et donc à la proportion d’enfants calculée.
Il ne s’agit pas d’une technique pour tenter d’évaluer le nombre d’enfants qui passeront chez soi. Pour ce faire, il faudrait déterminer une certaine distance autour de chaque endroit où un enfant habite, puis déterminer si notre résidence se situe dans ce rayon. Ici, je cherche simplement à déterminer une mesure du nombre d’enfants autour de 3 points donnés.↩